Débat - Projet de loi S-201 (abaisser de 18 ans à 16 ans l’âge de voter aux élections fédérales)

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-201, qui vise à abaisser de 18 ans à 16 ans l’âge de voter aux élections fédérales.

Chers collègues, le projet de loi S-201 reflète un mouvement grandissant visant à inclure les voix des jeunes dans la démocratie. Je remercie la sénatrice McPhedran de défendre ce projet de loi au Sénat.

Dans la réflexion sur la démocratie du Canada et ses institutions, un argument fondamental veut que chaque citoyen ait voix au chapitre. Or, l’un des mécanismes les plus puissants pour faire entendre cette voix est le droit de voter.

Au Canada, le vote est considéré comme un droit et non comme un privilège qu’il faut mériter — un droit qui ne dépend pas du sexe, de la race, de la religion, de l’origine ethnique ou de la situation socioéconomique.

Certes, on impose des limites raisonnables aux droits électoraux, mais la question qu’il faut examiner est la suivante : comment l’âge, qui est une des limites imposées au droit de vote, touche-t-il les jeunes du Canada de nos jours?

Dans le travail que j’ai accompli pour appuyer les jeunes et m’occuper des enfants avant et après mon arrivée au Sénat, j’ai constaté que les jeunes sont prêts, désireux et capables de prendre part à la prise de décisions et à la détermination des politiques.

Comme la sénatrice McPhedran l’a mentionné dans plusieurs de ses discours sur ce sujet, y compris aujourd’hui, les personnes âgées de 16 ou 17 ans ont déjà la possibilité de décrocher un emploi, de payer des impôts, de conduire, d’entrer dans les forces armées, d’accorder leur consentement sexuel, de se marier et d’avoir des enfants. Si nous accordons déjà ces droits et ces responsabilités à des jeunes, je dirais qu’ils sont prêts et capables d’assumer le droit de voter, le droit d’exercer leur influence sur la politique et le droit de participer à un processus parlementaire qui a une incidence directe sur leur vie.

Il est à souligner que, au Canada, le mouvement pour le droit de vote aux personnes de 16 ans et de 17 ans est mené par des jeunes de partout au pays, et non par la sénatrice McPhedran, par moi-même ou par d’autres de mes collègues au Sénat, ni par des groupes professionnels ou des militants pour les droits de la jeunesse. Il est mené par les jeunes eux-mêmes. Ce sont eux qui se prononcent dans ce débat, et ils le font clairement et avec conviction.

Je vais donner quelques exemples. Je vais citer deux jeunes femmes qui participent à la contestation judiciaire devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario au sujet de l’inconstitutionnalité de l’âge du droit de vote. Je vais d’abord citer Amelia Penney-Crocker, une résidante d’Halifax âgée de 16 ans, qui dit ceci :

Les jeunes sont notre avenir. Or, à l’heure actuelle, ils ne peuvent pas voter pour ceux qui façonneront cet avenir, et comme nous sommes aux prises avec une crise climatique sans précédent, ne pas accorder le droit de vote aux jeunes pourrait vouloir dire qu’ils n’auront tout simplement aucun avenir.

De façon similaire, Katie Yu, résidante d’Iqaluit, dit ceci :

Notre opinion ne devrait pas être ignorée, c’est nous qui savons quelles mesures sont requises pour corriger ces problèmes et améliorer le monde pour les générations futures, et nous apportons déjà des changements de nombreuses façons [...]

Chers collègues, les jeunes Canadiens sont éloquents, ils sont confiants et ils tiennent à faire partie du processus démocratique du pays. Ils veulent être consultés et cette initiative vient d’eux. Ils veulent pouvoir faire entendre leur opinion au sujet du droit de vote et je crois que, en tant que parlementaires et décideurs, nous avons la responsabilité de porter leur voix dans ce débat.

Regardons plus en détail la constitutionnalité de l’âge minimal pour voter, mais du point de vue des jeunes, car celui-ci est à l’origine de la contestation judiciaire présentée à la Cour supérieure de justice de l’Ontario. Cette contestation judiciaire, menée par un groupe de jeunes de 12 à 18 ans, soutient que l’âge du droit de vote établi dans la Loi électorale du Canada, soit 18 ans, enfreint les articles 3 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.

L’article 3 de la Charte garantit que tous les citoyens canadiens ont le droit de voter à une élection, sans préciser l’âge.

L’article 15 souligne que la loi s’applique également à tous, et que tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.

Honorables sénateurs, il s’agit d’un argument important qui indique que la restriction actuelle quant à l’âge du droit de vote découle directement de la Loi électorale du Canada et que ce seuil a été modifié au fil des ans en fonction surtout des changements sociaux progressistes liés aux valeurs.

En vérité, l’émancipation progressiste — ou l’élargissement du droit de vote — a constitué une composante distincte de l’évolution de notre démocratie, puisque nous avons sans cesse élargi notre définition des droits des citoyens. Bien que nous y ayons réfléchi, nous avons aussi réfléchi à ceux qui devraient demeurer exclus de cette forme de participation civique, politique et sociale, et, dans le cadre de cette réflexion, nous continuons d’abandonner nos jeunes.

Je suis d’avis que tous les jeunes méritent d’avoir le droit de vote en tant que citoyens à part entière du Canada. De cette façon, nous les inclurions dans notre marche vers une démocratie plus inclusive, plus équitable et plus juste.

Honorables sénateurs, les jeunes Canadiens de moins de 18 ans s’impliquent actuellement dans d’autres formes d’engagement politique au sein de nos institutions et de nos systèmes démocratiques. Par exemple, le Parti libéral du Canada, le Parti conservateur du Canada, le Parti vert du Canada et le Nouveau Parti démocratique acceptent tous des membres aussi jeunes que 14 ans.

Le gouvernement reconnaît de plus en plus l’importance de donner la parole aux jeunes et de les consulter au sujet des politiques et des programmes. Même le Programme de contestation judiciaire — un programme qui a été rétabli en 2017 et qui soutient les particuliers et les groupes voulant saisir les tribunaux de violations présumées des droits constitutionnels de la personne — est accessible aux Canadiens, peu importe leur âge.

De plus, le gouvernement consulte activement les jeunes, que ce soit individuellement ou par l’entremise de groupes ou d’organisations, pour guider les processus décisionnels et les politiques du Canada.

En février 2018, le gouvernement a lancé un dialogue national avec les jeunes pour élaborer la première politique jeunesse du Canada — un mandat de la ministre des Femmes et de l’Égalité des genres et de la Jeunesse. C’est un autre exemple des façons dont nous reconnaissons de plus de plus les jeunes comme des partenaires égaux et les dirigeants de demain.

Tandis que nous traversons une pandémie, que le contexte est précaire sur le plan financier et sociopolitique, et que la reprise prendra probablement des années à venir — le droit de participer au processus démocratique est plus crucial que jamais.

Les jeunes ont aussi vécu cette pandémie avec nous. Ils ont fait face aux mêmes difficultés, comme l’insécurité financière, les conditions scolaires changeantes et le travail précaire. Les jeunes se sont montrés à la hauteur à de nombreux égards, en occupant des postes de première ligne, en continuant de travailler pour des entreprises de l’industrie des services et en s’engageant activement à faire progresser la démocratie.

Nous devons nous demander comment nous pouvons les remercier du soutien dont ils ont fait preuve à l’égard de leur famille, de leur pays et de la démocratie. Comment les incitons-nous à devenir les dirigeants de demain?

La meilleure façon de le faire, honorables sénateurs, est de respecter leur droit de participer entièrement au processus démocratique, et de les encourager à participer activement au processus parlementaire, à la création des lois, des politiques et des systèmes qui concernent leur avenir.

Le fait d’abaisser l’âge du droit de vote n’est qu’une des nombreuses mesures que nous devons prendre pour aider les jeunes. Comme nous l’avons entendu, cette décision permettra à 800 000 jeunes — soit 2,9 % de la population — de 16 à 19 ans de voter. Ce chiffre peut sembler modeste, mais une grande proportion de jeunes seront concernés.

En tant que sénateurs, nous devons faire entendre les voix et les besoins des jeunes Canadiens, car dans notre démocratie, ils comptent tout autant que le reste de la population. Ils font preuve de volonté. Ils sont engagés. Ils sont prêts à voter.

Merci, meegwetch.

< Retour à : Affaires du Sénat