Discours - Projet de loi S-212 (l’expiration automatisée du casier judiciaire)
Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer nos collègues du Comité des affaires juridiques, qui ont travaillé avec diligence afin d’étudier le projet de loi S-212 sur l’expiration automatisée du casier judiciaire. Ils ont présenté leur rapport il y a presque sept mois. Je suis heureuse que le Sénat ait finalement adopté ce rapport et que nous en soyons maintenant à l’étape de la troisième lecture.
Chers collègues, il est maintenant temps d’aller de l’avant avec ce projet de loi.
Lorsque nous avons lancé le Groupe canado-africain du Sénat en décembre 2021, mes collègues et moi avons désigné le projet de loi S-212 comme une priorité liée à toute collaboration avec les membres de la communauté pour faire progresser les questions de justice, de santé et d’équité économique.
Au comité, les témoins — notamment l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, l’Association du Barreau canadien, l’Association des avocats noirs du Canada, Aboriginal Legal Services et même l’Association canadienne des chefs de police — ont tous souligné que les Noirs, les Autochtones et les personnes racialisées sont systématiquement surreprésentés dans le système de justice pénale et désavantagés systématiquement par le système actuel de suspension des casiers, qui est injuste et inaccessible.
Le projet de loi S-212 permet l’expiration des casiers judiciaires sans qu’il y ait de processus de demande, à condition que la personne dont le casier expire ne fasse l’objet d’aucune accusation ni condamnation subséquente avant une période pouvant aller de deux à cinq ans. Ce projet de loi aiderait les gens à surmonter les obstacles qui découlent de la vérification du casier judiciaire, qui les empêche d’accéder à des choses comme le logement, l’emploi, l’éducation, le bénévolat et d’autres nécessités pour s’intégrer en toute sécurité et avec succès dans leur collectivité.
Parallèlement, afin de répondre aux préoccupations soulevées par certains services de police, la sénatrice Pate a amendé le projet de loi au comité pour que la police puisse continuer à utiliser les informations contenues dans les casiers expirés dans le cadre d’un travail d’enquête légitime.
Les données transmises au comité et les témoignages que ce dernier a entendus montrent clairement que le projet de loi S-212 renforcera la sécurité publique. Il permettra aux gens de ne plus être piégés dans les mêmes situations de pauvreté, d’isolement et de marginalisation qui les ont menés sur la voie de la criminalité. Il constituera un petit pas vers la correction des échecs passés pour que justice soit rendue et vers l’équité pour les communautés autochtones, noires et de couleur. Il suscitera l’espoir et fournira des pistes pour l’avenir. Chers collègues, ce projet de loi devrait être une priorité urgente pour nous tous ici.
Grâce aux mesures du projet de loi C-5 visant à éradiquer le racisme systémique, le gouvernement s’est engagé à mettre en œuvre d’ici l’automne l’expiration automatique des casiers judiciaires pour possession de drogue. Il s’agit d’un premier pas important pour rendre justice à certaines personnes. Le projet de loi S-212 facilitera l’accès à ces mesures indispensables.
En demandant que nous agissions rapidement, je veux surtout mettre l’accent sur les conséquences des casiers judiciaires pour les enfants et leurs familles.
La majorité des femmes autochtones, noires et de couleur en prison sont des mères. La majorité de leurs enfants leur ont été retirés pour être pris en charge par l’État à la suite de leur incarcération, ce qui signifie que la séparation des enfants est une tragédie déchirante et cachée, ainsi qu’une punition supplémentaire non seulement pour les mères, mais aussi pour leurs enfants.
L’expiration du casier est essentielle pour les femmes qui ont un casier judiciaire et qui luttent pour retrouver leurs enfants ou pour empêcher qu’ils soient placés, pour celles qui cherchent un emploi afin de tenter de sortir leurs enfants et elles-mêmes de la pauvreté, ou pour celles qui ont besoin d’un logement sûr pour assurer la stabilité de leur famille.
Le projet de loi S-212 est une étape indispensable pour que la stigmatisation, l’injustice et la marginalisation associées aux casiers judiciaires ne durent pas toute la vie et ne se transmettent pas d’une génération à l’autre.
La sénatrice Pate a déjà raconté l’histoire d’un enfant qui a été exclu des sorties scolaires et des activités spéciales parce que personne ne pouvait lui apporter le soutien parental supplémentaire dont il avait besoin pour y participer. Sa mère aurait pu le faire — elle était présente et avait les capacités requises — mais, bien qu’elle ne présente aucun risque pour la sécurité publique, elle ne pouvait pas être bénévole dans une école parce qu’elle avait un casier judiciaire. Son enfant a souffert de cette situation, d’autres enfants aussi. Le système actuel exige que les personnes dans sa situation attendent dix ans avant que leur casier soit suspendu. Les enfants grandissent vite et leur jeunesse passe à toute vitesse; 10 ans, c’est long dans la vie d’un enfant.
Pendant sept mois, ce projet de loi a été en attente à l’étape du rapport. Sa première version a été présentée au Sénat il y a plus de cinq ans. Cette longue attente a nui à combien de parents qui s’efforcent de faire de leur mieux pour leurs enfants? Elle a privé combien d’enfants d’une meilleure vie?
Chers collègues, je vous exhorte à appuyer ce projet de loi.