Discours (Troisième lecture) - Projet de loi C-252, interdiction — publicité d'aliments et de boissons destinée aux enfants

Honorables sénateurs, c’est un honneur de prendre la parole aujourd’hui pour aborder l’une des responsabilités les plus importantes que nous avons en tant que législateurs, à savoir assurer la santé et le bien-être de nos enfants. Le projet de loi C-252, dont le titre abrégé est Loi sur la protection de la santé des enfants, représente une occasion charnière de prendre des mesures concrètes afin de favoriser chez la prochaine génération une vie plus saine et plus épanouissante.

Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à la députée Patricia Lattanzio et à la sénatrice Dasko pour leur engagement indéfectible et leur leadership à l’égard de ce projet de loi. Je tiens également à remercier le Comité des affaires sociales de son examen approfondi des dispositions du projet de loi, ainsi que les témoins experts et les Canadiens qui nous ont fait part de leurs réflexions, de leurs expériences et de leurs préoccupations. Leurs voix ont joué un rôle déterminant dans l’élaboration des arguments en faveur de ce projet de loi essentiel.

Fondamentalement, le projet de loi C-252 vise à mettre fin à la publicité de boissons et d’aliments malsains destinée aux enfants de moins de 13 ans, comme les produits bourrés de sucre, de gras saturés et de sodium. Il ne s’agit pas seulement de réglementer la publicité, chers collègues; il s’agit de placer la santé de nos enfants au-dessus des marges de profit d’industries multimillionnaires.

Pourquoi ce projet de loi est-il si important? Les Canadiens savent que favoriser un mode de vie sain chez les enfants est indispensable à la santé et au bien-être à long terme de ces derniers. Pourtant, les tactiques publicitaires utilisées pour cibler les jeunes enfants ne sont pas seulement persuasives, elles sont aussi manipulatrices. Les jeunes enfants ne possèdent pas les capacités neurodéveloppementales nécessaires pour évaluer d’un œil critique les publicités. Ils ne peuvent pas faire la distinction entre une tactique publicitaire et la valeur nutritionnelle réelle d’un produit. Ils sont donc particulièrement vulnérables aux publicités manipulatrices conçues pour les inciter à faire des choix malsains. Les preuves sont flagrantes et indéniables.

Pendant les discussions du comité, nous avons entendu le témoignage de la professeure Potvin Kent, qui nous a fait part des résultats de sa récente étude financée par l’Organisation mondiale de la santé. Cette étude révèle que les enfants âgés de 6 à 17 ans qui utilisent un appareil mobile 30 minutes chaque jour sont exposés à plus de 4 000 publicités d’aliments et de boissons par année, un nombre ahurissant. Pire encore, 87 % des produits annoncés ne respectent pas les normes nutritionnelles de Santé Canada.

Si on ajoute l’exposition à la télévision, à la radio, aux panneaux d’affichage extérieurs et aux étalages des magasins — sans parler des réseaux sociaux —, le nombre total de publicités devient ahurissant. Même les parents les plus vigilants qui encouragent sans relâche une alimentation saine sont manifestement dépassés par le barrage incessant de campagnes de publicité menées par l’industrie.

Charlene Elliott, qui est professeure à l’Université de Calgary, a dit ce qui suit à propos de la Loi sur la protection du consommateur du Québec :

[Elle] est fondée sur le principe selon lequel les très jeunes enfants ne peuvent pas reconnaître l’intention de la publicité. La publicité qui leur est destinée est, en soi, de la manipulation.

Ce constat souligne l’urgence éthique de s’attaquer à la question qui nous occupe aujourd’hui, chers collègues. Les recherches de Mme Elliott révèlent que, entre 2009 et 2023, les campagnes de publicité destinées aux enfants ont augmenté, mais aussi, fait alarmant, que 97,5 % des produits annoncés ne respectent pas les recommandations nutritionnelles de Santé Canada. Ces publicités font la promotion de produits à teneur plus élevée en sucre, en sodium et en gras saturés et sont délibérément conçues pour influencer les jeunes esprits vulnérables et impressionnables.

Chers collègues, je n’ai pas besoin de vous le dire, mais c’est évidemment inacceptable.

Le Dr Tom Warshawski, de la Childhood Healthy Living Foundation, a mis en lumière l’épidémie de surpoids chez les enfants et les adolescents, en soulignant le rôle des publicités ciblées dans la montée en flèche de l’obésité liée au diabète, à l’hypercholestérolémie et à l’hypertension. Bien que ces problèmes ne soient pas causés uniquement par la publicité, il est indéniable que toutes les publicités d’aliments et de boissons malsains influencent considérablement les choix des enfants, les poussant à désirer et à consommer davantage d’aliments malsains. Les 1,1 milliard de dollars dépensés chaque année en publicité ciblée sont l’un des principaux facteurs responsables de ces tendances inquiétantes, et il est temps que nous reconnaissions l’effet néfaste de ces publicités et que nous agissions.

Le diabète de type 2, autrefois pratiquement inexistant chez les enfants, a désormais atteint des niveaux épidémiques. Les communautés autochtones sont touchées de manière disproportionnée. Les familles autochtones sont de plus en plus ciblées par des publicités pour des aliments et des boissons malsains, ce qui contribue à de mauvais choix nutritionnels et à un risque plus élevé de développer un diabète de type 2. On s’attend à ce que 85 % des femmes autochtones développent un diabète de type 2 au cours de leur vie, une statistique renversante qui met en évidence les effets à long terme des mauvaises habitudes alimentaires acquises dès le plus jeune âge.

L’hypertension — ou la haute pression, comme nous l’appelons aussi — est également de plus en plus fréquente chez les enfants. Elle menace non seulement la santé cardiaque, mais aussi le développement cognitif et la réussite scolaire. Des taux élevés de lipides exposent même les jeunes enfants à des risques de maladies cardiovasculaires à long terme.

Les conséquences d’une mauvaise alimentation ne se limitent plus à des problèmes de santé futurs; les enfants souffrent déjà de ces problèmes, ce qui met en évidence l’urgence d’agir.

Chers collègues, vous vous demandez peut-être pourquoi le projet de loi C-252 est nécessaire étant donné que le Code des pratiques responsables en matière de publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants de l’Association canadienne des annonceurs existe déjà. Établi en 2021 et révisé en 2023, ce code reconnaît que les enfants constituent « un auditoire particulier ». Il restreint la publicité pour les aliments à teneur élevée en gras, en sodium et en sucre destinée aux enfants de moins de 13 ans. Bien qu’il s’agisse d’un pas dans la bonne direction, le code n’en fait pas assez pour protéger nos enfants de l’influence omniprésente de la publicité sur les aliments malsains. Les intervenants de l’industrie attestent que le code est obligatoire. Toutefois, il est présenté au public comme un guide d’autoréglementation. De plus, dans leur description du code, les sites Web et les documents de l’industrie utilisent abondamment un langage incontestablement permissif. On y utilise des mots tels que « peut », « volontaire » et « autoréglementation », sans mentionner la nature prétendument obligatoire du code.

De plus, après avoir consulté les intervenants de l’industrie, le comité a déterminé que la supervision du code en fonction des plaintes par les membres d’un organisme bénévole, Normes de la publicité Canada, n’a donné lieu à aucune plainte jusqu’à présent. Dans le cas où une plainte est déposée, il n’y a pas de processus normalisé en place pour déterminer les conséquences pour l’acteur fautif, et il n’y a pas de sanctions pécuniaires. Les entreprises n’ont donc aucun véritable incitatif à respecter le code, même si elles prétendent le faire. D’ailleurs, la professeure Monique Potvin Kent a présenté au comité des preuves selon lesquelles les entreprises qui prétendent respecter le code ont commis plus d’infractions qu’un bon nombre des entreprises qui ne font pas cette assertion.

Étant donné le manque de surveillance et de réglementation par rapport à ce code, rien ne permet d’affirmer qu’il fonctionne à l’heure actuelle. Il est donc nécessaire d’adopter une réglementation à l’échelon fédéral, car nous ne pouvons pas simplement attendre en espérant que ce code volontaire se mette à fonctionner comme par magie.

Le projet de loi C-252 est mieux que le code volontaire. Il inscrira dans la loi l’interdiction claire de faire de la publicité auprès des enfants. Conjointement avec d’autres réglementations proposées par Santé Canada, le projet de loi C-252 ouvrira la voie à une surveillance et à une application de la loi rigoureuses, y compris des sanctions financières, que l’industrie elle-même reconnaît ne pas pouvoir imposer.

Dans sa forme actuelle, le code n’indique pas que les enfants sont vulnérables ou sans voix, ou qu’ils ont besoin de protection. Il indique simplement qu’ils constituent « un auditoire particulier ». Que doit-on en comprendre? En outre, le code ne fait aucune mention de la santé des enfants, ce qui est renversant. L’industrie fera toujours passer ses résultats financiers avant les besoins des enfants et des adolescents canadiens.

Bien que les faits démontrent que l’interdiction de la publicité au Québec n’a pas nui à la croissance économique, les intervenants de l’industrie demeurent préoccupés par l’incidence économique du projet de loi. Cependant, nous ne pouvons pas permettre que l’appât du gain ait préséance sur la santé des enfants.

Chers collègues, l’adoption de ce projet de loi permettra-t-elle d’éradiquer l’obésité juvénile? Probablement pas. Il est bien connu que la cause de cette maladie est multifactorielle, ce que je ne conteste pas. Toutefois, je pense que le projet de loi réduira la quantité d’aliments malsains consommés par les enfants canadiens. Il sera plus facile pour les parents d’orienter leurs enfants vers des aliments sains parce qu’ils n’auront pas à rivaliser avec des publicités dynamiques et colorées présentées délibérément à nos enfants.

Si les enfants consomment moins d’aliments malsains, les taux d’obésité, de diabète, d’hypertension et d’hypercholestérolémie diminueront. Nos enfants seront en meilleure santé et deviendront des adultes en meilleure santé.

Même si vous n’êtes pas d’accord avec moi, je tiens à poser les questions suivantes : êtes-vous certains de l’efficacité et des résultats de l’actuel code de l’industrie, de sorte que vous êtes prêts à risquer la santé et le bien-être de millions d’enfants canadiens en vous opposant au projet de loi C-252? Êtes-vous certains que le code à adhésion volontaire fera un meilleur travail qu’une loi?

Chers collègues, les enfants canadiens ont le droit inhérent d’être protégés. Ce projet de loi nous donne l’occasion de les protéger contre les pratiques de marketing abusives et d’accorder la priorité à leur santé et à leur bien-être actuels et futurs. Les données scientifiques sont sans équivoque.

C’est maintenant qu’il faut agir. Je vous exhorte à appuyer sans réserve le projet de loi C-252 et à vous ranger du côté des familles canadiennes pour créer un avenir plus sain pour nos enfants.

Honorables collègues, je vous remercie d’avoir pris le temps d’écouter mon point de vue et d’avoir travaillé d’arrache-pied afin de faire avancer ce projet de loi au Sénat. J’ai hâte d’entendre ce que les autres ont à dire et de voir ce projet de loi devenir loi. Merci, meegwetch.

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